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La Lorraine, nouvel Eldorado du pétrole ?

septembre 19, 2011
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Antoine Kowalski, 16 septembre 2011, in France Soir

Interview

La Lorraine dormirait sur d’énormes quantités de gaz et de pétrole, selon un groupe australien, alors que les industriels font du lobbying pour faire revenir la France sur son refus d’exploiter les hydrocarbures de schiste. Antoine Le Solleuz, géologue, enseignant-chercheur à l’Université de Lorraine, répond aux questions de FranceSoir.fr.

La Lorraine serait riche en pétrole mais surtout en gaz de schiste

La Lorraine serait riche en pétrole mais surtout en gaz de schiste DR

ENERGIE La Lorraine dormirait sur d’énormes quantités de gaz et de pétrole, selon un groupe australien, mais cette affirmation laisse sceptiques les experts, sur fond de lobbying des industriels pour faire revenir la France sur son refus d’exploiter les hydrocarbures de schiste. Dans un communiqué boursier publié à Sydney, Elixir Petroleum, groupe d’exploration-production basé à Perth (ouest de l’Australie), a déclaré vendredi que son permis « Moselle » dans l’est de la France contiendrait notamment jusqu’à 164,7 milliards de barils de pétrole de schiste. Le permis, grand de 5.000 kilomètres carrés, qui s’étend sur plusieurs départements (Moselle, Meurthe-et-Moselle, Meuse et Vosges), recèlerait également 649.700 milliards de pieds-cube de gaz de schiste. Le site de prospection lorrain contient également des hydrocarbures conventionnels en quantité – 2,1 milliards de barils de pétrole et 2.200 milliards de pieds-cubes de gaz, selon Elixir.

Interview de Antoine Le Solleuz, géologue, enseignant-chercheur à l’Université de Lorraine.

France-Soir. Est-ce qu’il y a du pétrole et du gaz en Lorraine ?

Antoine Le Solleuz. Il y a un historique pétrolier et gazier en Lorraine. Oui il y a des ressources que l’on qualifie de conventionnelles et de non-conventionnelles, ce qui concerne le gaz et le pétrole de schiste. En Lorraine, il y a les sites de Forcelles-Saint-Gorgon (Meurthe-et-Moselle, NDLR) par exemple pour le pétrole et le site de Trois-Fontaines (Meuse, NDLR) à cheval entre la Haute-Marne, la Marne et la Meuse pour le gaz. On connait bien ces ressources. Elles ont été exploitées à partir des années 50 et jusqu’aux années 80.
Le problème c’est que l’exploitation de ces ressources n’était plus rentable à moins de 35 dollars le baril. Aujourd’hui à plus de 100 dollars le baril, les cartes sont redistribuées, ça devient beaucoup plus intéressant et surtout rentable. Un puits de forage coûte à l’unité entre 5 et 20 millions d’euros. L’investissement pour un industriel est lourd mais si les ressources sont présentes, tout est possible dans le contexte actuel.

F.-S. Que pensez-vous des chiffres annoncés par le groupe australien Elixir Petroleum ?

A.L S. Ils sont largement surestimés. Mais c’est un calcul théorique. Surface multiplié par l’épaisseur des couches… Et sur la base des densités de gaz et de pétrole de schiste retrouvées dans les échantillons… Bref ils en concluent ce chiffre incroyable. Ils « pipotent » un peu mais c’est de bonne guerre. Ils tentent de séduire les politiques en leur faisant miroiter d’incroyables ressources alors que le gouvernement a interdit l’exploitation par fracturation hydraulique du gaz et pétrole de schiste.

F.-S. Le pétrole et la gaz lorrain sont-ils facilement exploitables ?

A.L S. Le problème c’est que le pétrole et le gaz sont assez confinés et diffus. Ce sont des petites poches logées dans des plis géologiques, dans ce que l’on appelle des « pièges pétrolier ».

F.-S. Qu’en est-il du pétrole et du gaz de schiste, « non-conventionnel » ?

A.L S. Il y a plein de gaz de schiste en Lorraine grâce au charbon. On va en retrouver dans les couches argileuses, principalement dans ce que l’on appelle le sillon sarro-lorrain. Premier problème, c’est que l’on peut difficilement estimer les quantités présentes. Pour le savoir il faudrait faire des forages par fracturation hydraulique, récemment interdits en France. Deuxième problème, c’est que le gaz et  le pétrole de schiste sont diffus et dispersés sur des kilomètres et que l’on ne peut pas faire autrement à ma connaissance à ce jour pour accéder à ces ressources que d’utiliser le procédé actuellement interdit.

F.-S. La technique de la fracturation hydraulique est-elle dangereuse pour l’environnement ?

A.L S. Il y a des techniques de fracturation hydraulique qui sont moins polluantes aujourd’hui que celles que celles utilisées par les américains dans les années 90. On utilise de moins en mois d’eau et quasiment plus de produits chimiques. On envoie un mélange d’eau et de gomme alimentaire, avec une dose minime d’acide chlorhydrique. Un puits de forage utilise en cinq ans autant d’eau qu’un golf en six mois.

F.-S. Où se trouvent ces ressources ?

A.L S. Le gaz de schiste se situe dans les couches de l’ère primaire, dans un espace compris de l’ouest à l’est entre Bar-le-Duc (Meuse) et Forbach (Moselle), et du nord au sud entre Metz (Moselle) et Nancy (Meurthe-et-Moselle).
Au dessus de cette couche, il y a les couches de l’ère jurassique. C’est une couche plus jeune – où se trouvent des ressources non-conventionnelles – sous la la forme de fines particules d’huiles contenues dans l’argile. La quantité contenue dans cette couche doit-être très faible car une partie a déjà été expulsée par l’exploitation des hydrocarbures dans le secteur mais aussi dans le bassin parisien dans les années 20 et 30. J’estime que cette couche de pétrole de schiste serait bien moindre que celle du gaz de schiste dans les couches inférieures.

F.-S. Faut-il exploiter ces ressources ?

A.L S. C’est au pouvoir politique de répondre, mais à titre personnel je pense qu’il ne faut pas balayer cette question. Si les Lorrains dorment sur ces ressources ce serait dommage qu’ils ne puissent pas en bénéficier tout en respectant l’environnement et en obligeant les industriels à respecter certaines règles. Il faudrait par exemple éviter de faire des forages à proximité des bassins de vie et des zones de captage d’eau. En Lorraine l’essentiel de l’approvisionnement en eau se fait au sud, dans les Vosges et dans les alluvions. La zone exploitable pour ce qui est de ces ressources fossiles se trouve au nord… A priori si on fait attention, ça ne serait donc pas un problème. Pour ce qui est du seul gaz c’est une vraie opportunité pour la région et pour le pays tout entier. Ces ressources couplées à celles situées en Ardèche permettraient à la France de retrouver une autonomie énergétique. Avec la réforme des collectivités territoriales et la fiscalité sur les productions énergétiques, le déploiement d’une telle industrie serait une chance pour la région Lorraine. Le gaz de schiste en dessous des Lorrains – même si les chiffres de l’industriel australien sont exagérés – est  présent en volume très important. Plus important que les ressources exploitées aux Etats-Unis ou au Canada. C’est le principal gisement d’Europe occidentale. Les couches lorraines sont étendues mais elles sont aussi épaisses. Techniquement, aujourd’hui, on ne sait pas forer à -7.000 mètres on ne peut aller qu’à -3.000 mètres. Mais demain ?

F.-S. Les politiques vont-ils oser sauter le pas et revenir sur leur décision d’interdire l’exploitation par fracture hydraulique ?

A.L S. En annonçant ces chiffres, c’est ce qu’attend l’industriel australien. Il fait miroiter aux politiques la richesse de leur territoire, et ce en pleine crise. Mais il vrai que les politiques ont fait preuve de frilosité essentiellement parce qu’ils méconnaissent le sujet. Ce que je recommande c’est que dans un premier temps on autorise des forages d’évaluation. Il faut estimer de façon certaine ce qui se trouve sous Nancy et Metz. Ensuite le débat appartient aux politiques. A eux de fixer des règles d’exploitation strictes plutôt que d’interdire bêtement toute exploitation des ressources.

La « fracturation hydraulique » est la dislocation ciblée de formations géologiques peu perméables par le moyen de l’injection sous très haute pression d’un fluide destiné à fissurer et micro-fissurer la roche. Cette fracturation peut être pratiquée à proximité de la surface, ou à grande profondeur (à plus de 1 km, voire à plus de 4 km dans le cas du gaz de schiste), et à partir de puits verticaux, inclinés ou horizontaux. (source Wikipédia.)

Un océan de pétrole et de gaz sous la Lorraine ?

LEMONDE.FR avec AFP | 16.09.11

Une compagnie pétrolière australienne affirme que le sous-sol de la Lorraine contient des quantités gigantesques d'hydrocarbures, essentiellement du pétrole et du gaz de schiste, une possible découverte que les experts ont accueilli avec un grand scepticisme.

Une compagnie pétrolière australienne affirme que le sous-sol de la Lorraine contient des quantités gigantesques d’hydrocarbures, essentiellement du pétrole et du gaz de schiste, une possible découverte que les experts ont accueilli avec un grand scepticisme.REUTERS/NASSER NURI

La compagnie pétrolière australienne Elixir Petroleum affirme que le sous-sol de la Lorraine contient des quantités gigantesques d’hydrocarbures, essentiellement du pétrole et du gaz de schiste, une possible découverte que les experts ont accueillie avec un grand scepticisme. Le pétrolier, qui possède un permis d’exploitation sur près de 5 000 kilomètres carrés dans l’est de la France, se base sur un audit réalisé par le cabinet américain Netherland, Sewell & Associates (NSAI).

Ce document affirme que ce territoire, qui s’étend sur quatre départements (Moselle, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Vosges) contiendrait 649 700 milliards de pieds-cubes de gaz de schiste et jusqu’à 164,7 milliards de barils de pétrole de schiste.

Le site de prospection lorrain contiendrait également en quantité des hydrocarbures conventionnels : 2,1 milliards de barils de pétrole et 2 200 milliards de pieds-cubes de gaz. A titre de comparaison, les réserves jugées exploitables dans le monde entier étaient fin 2010 de 1 383 milliards de barils de pétrole et de 6,6 millions de milliards de pieds-cubes de gaz, selon la BP Statistical Review of World Energy.

« LE SEUL JUGE DE PAIX, C’EST LE FORAGE »

En ce qui concerne l’exploitation des hydrocarbures de schiste, Elixir Petroleum a annoncé qu’elle ne comptait pas utiliser la seule technique existante, à savoir la fracturation hydraulique, qui a été interdite en France en juillet. La compagnie australienne précise se concentrer désormais « sur dix-neuf cibles très prospectives » d’hydrocarbures conventionnels.

Elixir Petroleum a tenu à souligner qu’il s’agissait d’une estimation des hydrocarbures « en place » dans le sous-sol, dont seul « un pourcentage relativement faible » peut véritablement être extrait.

Ces chiffres immenses ne semblent pas avoir convaincu les experts gouvernementaux français. « Géologiquement, j’ai d’énormes doutes », a résumé un géologue du Bureau exploration production des hydrocarbures (BEPH), qui souligne que toutes les recherches en Lorraine par le passé se sont montrées infructueuses et qu’il s’agissait pour l’heure de « spéculations ». « Le seul juge de paix, c’est le forage », a-t-il rappelé.

L’annonce d’Elixir coïncide avec la remise au gouvernement de rapports des compagnies disposant de permis dans les hydrocarbures de schiste, sommées de clarifier leurs intentions après l’interdiction de la fracturation, au risque de perdre leurs permis.

Energie – Cinq sociétés ont obtenu des permis exclusifs d’exploration de gaz et huile de schiste en Lorraine. Parmi elles, l’Australien Elixir Petroleum dont les estimations affichent le jackpot

Des barils par milliards !

Patrice COSTA, 17.09.11, in Est Républicain

Des réserves d’or noir en Lorraine ? Photo archives ERDes réserves d’or noir en Lorraine ? Photo archives ER

Nancy. Ce n’est qu’une « estimation », mais elle donne le tournis. Le sous-sol lorrain dissimulerait dans son millefeuille sédimentaire 164,7 milliards de barils de pétrole de schiste, mais aussi 649 700 milliards de m³ de gaz de schiste. Cerise sur le gâteau : à ce gisement d’hydrocarbures non-conventionnels s’ajouterait un stock d’or noir plus classique, soit 2,1 milliards de barils de pétrole et 2 200 milliards de m³ de gaz naturel. De quoi faire presque pâlir d’envie tous les richissimes Émirats du Golfe persique réunis, notamment au regard de l’extrême précision des chiffres.

Donc la Lorraine, c’est Dallas, ou le Koweït. La région le doit à sa situation à l’est du Bassin parisien, ce nouvel Eldorado pour planteurs de derricks obnubilés par le Graal des « shale et oil gas », comme les appellent les Anglo-Saxons. Selon la carte du ministère de l’Énergie où apparaissent les zones correspondant aux permis exclusifs de recherche, cinq sociétés étrangères ont obtenu le feu vert des autorités pour explorer le sous-sol lorrain. Vermilion Energy Inc, pour 661 km², European Gas Limited (528 km²), Lundin international GDF EP (264 km²), Heritage Petroleum (262 km²) et surtout Elixir Petroleum pour 5 360 km² déployés entre les 4 départements, dont une majorité en Moselle.

Audit

Cotée en Bourse, cette société australienne n’est pas une inconnue dans l’univers impitoyable du pétrole. Elle exploite déjà du gaz dans le Golfe du Mexique ainsi qu’en Mer du Nord. C’est elle qui a dévoilé hier « les énormes évaluations volumétriques » qui dorment sous nos pieds sur la base d’un audit réalisé par un cabinet américain, Netherland, Sewell & Associates (NSAI). Imaginez le potentiel : 164,7 milliards de barils, c’est un peu moins que les 175 milliards de réserve de pétrole du Canada, soit les deuxièmes réserves du monde, derrière l’Arabie Saoudite (265 milliards) !

Surestimation ?

Jackpot ? « Annonce peu crédible », tempère prudemment le Bureau exploration-production des hydrocarbures (BEPH) du ministère de l’Industrie. Alors pourquoi cette soudaine ivresse australienne pour une perspective qui n’est encore qu’une hypothèse ? « l’absolue nécessité de conserver son permis exclusif de recherche », répond Eric Delhaye, vice-président de l’ONG Cap21, un opposant farouche aux gaz de schiste. Bien vu, car depuis la loi du 30 juin dernier qui interdit la fracturation hydraulique, les détenteurs de permis doivent cette semaine préciser à l’administration qu’ils n’utiliseront pas la technique polluante et très contestée, du « frak » sous peine de voir leur sésame annulé.

Total qui lorgne sur un gigantesque périmètre dans le bassin de Montélimar a bien senti le coup en déposant son rapport le 12 septembre. À l’instar de tous les autres « explorateurs », il y jure la main sur le cœur qu’il exclut tout recours à la méthode interdite par les parlementaires. Elixir P. À fait logiquement pareil, d’autant que son permis « Moselle » expire en janvier 2014. Mais bizarrement, quand les autres se taisent sur les chiffres, l’opérateur australien les précise ou les gonfle. « En mars, il s’appuyait déjà sur une compilation de données sismiques recueillies ces 70 dernières années. Cette étude était prometteuse pour lui. L’hypothèse basse y évalue le gisement à 67 milliards de barils de pétrole de schiste et 248 milliards de m³ pour le gaz », ajoute Eric Delhaye. « Leur but est de pouvoir affiner ce potentiel par des forages conventionnels ». Bref, multiplier les tests et surtout gagner du temps, « afin de revenir à la charge, après les élections de 2012 par exemple », poursuit le vice-président de Cap21, persuadé qu’Elixir a volontairement surestimé les réserves d’or noir en Lorraine pour mieux déployer plus tard un lobbying féroce étayé par l’air connu des emplois, de l’indépendance énergétique etc. Et dans ce domaine, les pétroliers n’ont pas de leçons à recevoir.

 

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